Interprétation du son par le cerveau

26/02/2013 15:36

 

1) Cheminement du signal nerveux :

Comme nous l’avons vu dans la rubrique "phénomène physiologique", pour qu'un son parvienne de l'oreille au cerveau, l'oreille interne envoie des décharges électriques par l'intermédiaire du nerf auditif (ou cochléo-vestibulaire) se situant dans le tronc cérébral.

 Chemin emprunté par le message nerveux.

 

 

Stimulation → Récepteurs (ou cellules sensorielles, ici l’oreille interne) → Création d’un potentiel d’action (PA) → Nerf auditif → Thalamus (reçoit les informations de tous types de sensibilités sauf l'olfaction) → Cortex sensoriel primaire (sensation élémentaire, le cortex a toujours une organisation et une localisation) → Cortex sensoriel secondaire = les aires associatives (elles associent les informations de différentes modalités, ce qui va aboutir à une signification) 

C’est dans les aires associatives que le cerveau va être capable d’intégrer les propriétés temporelles du son, ce qui se traduit en musique. De même, le cerveau coordonne les deux oreilles, de cette manière il va situer le son dans l'espace.  

 

 

2) Traitement du son :

De nombreuses fonctions cognitives sont sollicitées lors de l'écoute, des lésions cérébrales peuvent donc affecter la perception auditive. Il existe une intéraction dans les deux sens au sein du système auditif, c'est à dire que non seulement le cerveau reçoit les informations transmises par les oreilles mais le cerveau est également capable d'envoyer des informations vers les oreilles par l'intermédiaire des voies descendantes (système auditif efférent). Pour illustrer cela, nous pouvons donner l’exemple des acouphènes: les acouphènes sont des troubles auditifs caractérisés par la manifestation de bourdonnements, pulsations, cliquetis ou sifflements dans l’oreille d’un individu.

Grâce aux aires associatives (ou cortex sensoriel secondaire), les différents systèmes sensoriels intéragissent entre eux. Pour récapituler, le cerveau ne se contente pas d'analyser séparément des informations auditives ou visuelles mais il les met en relation pour mieux analyser son environnement. Ainsi, lors d'une conversation, nous avons tendance à regarder les lèvres de notre interlocuteur pour mieux le comprendre. C'est pourquoi le langage parlé complété a été mis au point. Il s'agit d'une lecture labiale avec en support la main pour déterminer les syllabes proche phonologiquement ou visuellement afin d'éviter certaines confusions. D'après ces informations, on se demande si une personne va percevoir de la même manière deux sons identiques si la personne qui les prononcent ne réalise pas les mêmes mouvements avec sa bouche.

 Voici le phénomène le plus représentatif de la coordination des sens mise en place par le cerveau, il est appelé l’effet McGurk. L’homme mime avec ses lèvres le son « Ga » mais il émet le son « Ba », de ce fait notre cerveau obtient des informations divergentes et nous comprenons donc le son « Da ».

3) La musique et les émotions :

L’un des premiers chercheurs à s’être intéressé à l’influence de la musique sur l’Homme est Alfred Tomatis. Dans les années cinquante il a énoncé le principe de « l’effet Mozart ». Selon lui, les musiques ayant beaucoup de hautes fréquences étaient bénéfiques pour le corps humain. Il avait également constaté que les musiques de Mozart contenaient justement de nombreuses fréquences hautes.

 
En 1993, le chercheur Frances Rauscher réalise une étude plus approfondi sur 36 étudiants de
psychologie en leur faisant passer un test de QI avant et après l’écoute d’une musique relaxante
ou l’écoute d’un extrait de Mozart.
 
Comme indiqué sur le graphique ci-dessus, on remarque que le groupe « Music » (correspond
au groupe qui a écouté des extraits de Mozart) a obtenu une meilleure performance au test de
QI que le groupe silence (qui n’a rien écouté entre les deux passations) et le groupe relaxation
(qui a écouté de la musique relaxante). Rauscher avait alors émis l’hypothèse que la musique
de Mozart avait un effet bénéfique sur nos compétences cognitives et notamment sur notre
intelligence.
 
Suite à l’engouement que cette découverte a provoqué et à l’apparition de nouvelles croyances
populaires (l’écoute de musique classique stimulerait les enfants …) De nombreux chercheurs
ont par la suite cherché à vérifier ces résultats et il semblerait que ce n’est pas la musique de
Mozart qui a un effet sur l’Homme mais n’importe quelle musique, du moment que cette dernière
induit une stimulation du cerveau.
 
D’après ces résultats, de plus en plus de chercheurs en neuroscience et en psychologie
tentent de déterminer les processus cérébraux activés par la musique pour essayer de
comprendre les effets de cette dernière. Durant leurs études, ils ont constaté que la
musique était étroitement liée avec les émotions, qu’elles soient positives ou négatives.
En 2006, de nombreux spécialistes français se sont regroupés afin d’étudier la musique
sous un nouvel angle, celui de la neuroscience et de la biologie. Ils se sont intéressés aux
bases neuronales et cognitives de la mémoire en rapport avec la musique. Ils ont également
cherché des applications thérapeutiques. 
 
Sophie Khalfa a analysé les réponses physiologiques du corps humain chez cinquante
patients en fonction des différents styles musicaux. Elle remarque que des réponses
physiologiques (changements de la pression sanguine, transpiration ou contractions
musculaires) se manifestent très vite après l’écoute d’une musique (une à trois secondes
après le début de l’écoute d’une musique !). La musique induirait donc rapidement des
émotions de gaieté ou de peur.
 
Sophie Khalfa précise également que le rythme de la mélodie joue un rôle important,
indépendamment du fait que l’on apprécie ou pas une musique. Ainsi, une musique comme
la techno (musique identifiable par ses disparités de rythme) va augmenter le stress même
si cette dernière est appréciée par l’auditeur. En revanche, une mélodie ayant un rythme
plus lent et un tempo régulier va diminuer significativement la concentration de cortisol
(hormone de stress) dans le sang. La musique peut donc avoir des effets inverses en fonction
de ses caractéristiques. En continuant ces recherches, des neuroscientifiques se sont aperçus
que la musique modifiait l’activité cérébrale et que l'écoute d’une musique lente et rythmée
abaisse les tensions artérielles, le rythme cardiaque, diminue les tensions musculaires,
et repose. C’est pourquoi la communauté scientifique s’intéresse de plus en plus à la
musicothérapie (que nous aborderont un peu plus tard).
 
D’autres chercheurs ont observé des réponses émotionnelles à la musique instrumentale
dès 250 millisecondes d’écoute. Ils se sont aperçus que ces émotions provoquées par la
musique résultent d’un traitement cognitif complexe, s’appuyant en partie sur l’étude
de l’harmonie de la mélodie. Lorsque l’influx nerveux arrive au cerveau, divers réseaux
neuronaux distincts vont réagir. Le schéma ci-dessous indique les principales zones qui ont
déjà été déterminées. On remarque que l’amygdale est essentielle dans la perception de la
peur et que l’hippocampe intervient dans la perception des musiques désagréables (fortes
dissonances dans l’harmonie).

En poursuivant leurs recherches sur les émotions et la musique, d’autres spécialistes ont découvert que la musique pouvait induire un plaisir intense. En effet, l’écoute d’une musique jugée agréable provoquerait la sécrétion de dopamine (formule brute C8H11NO) dans le cerveau. Or, on sait que la dopamine est un neurotransmetteur intervenant dans les réseaux neuronaux liés au plaisir, elle est également sécrétée lors de la prise de nourriture ou de drogue. D’ailleurs, certains musiciens professionnels parlent de la musique comme d’une drogue et ils affirment qu’ils ne peuvent plus s’en passer. En conclusion, la musique rend heureux ! Cela pourrait expliquer l’importance de la musique dans toutes les cultures.

 

   Représentation de Lewis de la dopamine               Molécule de dopamine

 

 

Finalement, le philosophe allemand Emmanuel Kant avait tout compris, bien avant les neuroscientifiques lorsqu’il disait que : « La musique est la langue des émotions.». De même, il semblerait qu’un mot chanté soit récupéré en mémoire trois fois plus vite qu’un simple mot parlé. « D'où l'intérêt des comptines destinées aux jeunes enfants », note Daniele Schön. Le traitement de la musique par le cerveau s’effectue par étapes et les différentes composantes de la musique ne sont pas traitées par les mêmes centres neuronaux. Le rythme et les règles de l'harmonie ou du contrepoint sollicitent des zones de l'hémisphère gauche souvent attribuées au langage. Mais le timbre de l'instrument stimulerait plutôt l'hémisphère droit. Ce n’est qu’après l’analyse de tous ces paramètres que nous percevons consciemment une mélodie comme telle.

4) La musicothérapie :

Fort de ces données, les scientifiques se sont dit que si la musique avait tant d’effet sur l’Homme, pouvait-ils alors utiliser les effets bénéfiques de la musique pour soigner des patients fragiles mentalement ? C’est alors qu’est née la musicothérapie. En réalité la musicothérapie existe depuis l’Antiquité mais elle n'est devenue un sujet d’étude scientifique qu’à partir des années soixante. Globalement, la musicothérapie consiste à utiliser la musique comme outil thérapeutique pour rétablir, maintenir ou améliorer, la santé mentale, physique et émotionnelle d’une personne. Comme nous l’avons vu précédemment, il est désormais certain que la musique contribue significativement à diminuer l’anxiété et à améliorer l’humeur. Il existe deux types de musicothérapies :

-La musicothérapie active consiste à faciliter l’expression de soi grâce à la production sonore. Pour ce faire, elle va utiliser des instruments de musique ou inciter le patient à chanter ou encore à réaliser des mouvements rythmés.

-La musicothérapie réceptive, elle permet de stimuler l’énergie créative et aide à la concentration et à la mémorisation. Cette méthode permet de faire remonter certaines émotions du passé.

Les techniques utilisées sont très variées, il peut aussi bien s’agir de travail vocal, d’écoute passive, de la pratique d’un instrument à un travail personnel sur les rythmes et la percussion.

De nos jours, la musicothérapie est appliquée dans de nombreux domaines et elle touche toutes les populations (du fœtus aux personnes âgées). Elle peut servir à aider les gens ayant des problèmes d’endormissement et de sommeil. Elle est aussi beaucoup utilisée chez les personnes dépressives et de plus en plus chez les personnes cancéreuses car elle aide à garder le moral. La musicothérapie sert également à lutter contre les troubles du comportement (tel que le syndrome de la Tourette ou l’autisme) et les problèmes de concentration. Enfin, elle est utilisée chez les personnes souffrant d’Alzheimer et chez des enfants dyslexiques.

La musicothérapie a donc des domaines d’application très divers et nombreux bien qu’elle soit encore peu connue en France. Le problème auquel est confrontée la musicothérapie est la généralisation de ses méthodes car la réaction à une musique est personnelle et elle dépend de la culture musicale de chacun.